20 février 2007

Jeux vagues la poupée

(...)

On ne l'entend jamais parler de son pays, de ses parents. Elle craint une réponse du néant, le baiser d'une bouche muette. Agile et délivrée, légère mère enfant, elle jette à bas le manteau des murs et peint le jour à ses couleurs. Elle effraye les bêtes et les enfants. Elle rend les joues plus pâles et l'herbe cruellement verte.

Où les oiseaux ne chantent pas, de quoi ne sommes-nous pas sevrés ? Où les blés ne poussent pas, que pouvons-nous espérer ? Ce monde, sans amour, veuf du soleil, que nous est-il ?
Il avait fait très froid et l'on avait très faim. La peur était en nous, dans la maison, dehors, éteignant tout. La mort, dernier sursaut de l'imagination. Un serpent passa sous la maison qui s'effondra.

Gonflant ses joues, gourmande, avalant une fleur, odorante peau intérieure. Bouche forcément rose, même au fronton de la forêt toute noire.

La nuit rayonne à sa manière, des yeux au coeur. La nuit annule le sensible, le seul espace pur.

Le scarabée épais gagne midi. Des flammes rondes et dures autour d'un jour de fange, ainsi que les métiers abandonnés autour de la misère.
L'homme, aux aguets, oublie le jour, baisse le front et perd. Ombre entre les rideaux tirés, la terre accable les collines, comble les vallées, joint les ponts.

Certaines injures la déshabillaient, la rendaient pitoyable - ou désirable.
Bien, belle. Adieu, cailloux plus nets que l'or caché, introuvable. La route, désormais, passe entre tes épaules, sous de noirs cortèges de graines. Tout subsiste encore à la tendresse du réveil, pour en couvrir tes épaules. La route évite les statues.

(...)

Sang et poussière, un dé de lait, un dé d'eau pure, dix aiguilles à main, oxydées, dans les mailles de l'oreiller. Un dé de paille dans la grange, un dé de gomme dans le puits, un dé de rien ici. L'intérieur des draps pour miroir. Un dé de tigres aux ongles et de lourdes fleurs d'encre aux lèvres, un rien de terre.

(...)

L'espace ouvert contient des seins, une tête sur un cou suave et le germe de la lumière au fond de deux yeux sans secrets.






Paul Éluard sur Hans Bellmer,
Jeux vagues la poupée



Il y a quelques temps j'exhumais de la bibliothèque de mon popa, une revue de 1971 sur cet artiste que j'admire dévotement, Hans Bellmer.
J'ai pu, dans un bonheur sans fond, y retrouver quelques uns de ces dessin qui m'avaient éblouis à l'exposition l'année dernière à Pompidou, et surtout ce texte de Paul Éluard écrit en 39, difficilement trouvable sur le wèbe comme beaucoup des dessins (j'ai supprimé quelques passages qui me touchent moins).


bref, alice est contente.

!!